samedi 22 mars 2014

La CIA accusée d'avoir espionné les ordinateurs du Sénat américain

La sénatrice démocrate Dianne Feinstein a accusé mardi la CIA d'avoir espionné les ordinateurs de parlementaires chargés d’enquêter sur les techniques d'interrogatoire musclé employées par l’agence.

À Washington, on parle déjà d’une affaire “nixonienne”. La CIA a été accusée, mardi 11 mars, d'avoir violé la Constitution en espionnant les ordinateurs de la commission du renseignement, organe du Parlement américain dédié aux enquêtes.
Ces accusations graves, qui avaient commencé à fuiter dans la presse depuis plusieurs jours, proviennent de Dianne Feinstein, la très influente sénatrice démocrate qui préside ladite commission du renseignement. Dans un discours virulent, prononcé depuis le Capitole le 11 mars, elle a affirmé que la CIA avait supprimé des documents compromettants en accédant sans autorisation aux ordinateurs des parlementaires.
Rapport sur la torture
La surveillance des enquêteurs parlementaires aurait été conduite entre 2009 et 2012, période durant laquelle la commission travaillait sur un sujet brûlant : les techniques d'interrogatoire musclé employées par la CIA entre 2002 et 2006, sous le mandat de George W. Bush, et notamment le “water boarding” ou simulation de noyade. Les conclusions de l’enquête forment un très attendu “rapport sur la torture” de plus de 6 000 pages qui n’a, à ce jour, pas encore été rendu public.
"Je suis très inquiète, la fouille de la CIA pourrait bien avoir violé le principe de séparation des pouvoirs incarné dans la Constitution américaine, y compris la liberté d'expression et de débat", a lâché Dianne Feinstein, lors de sa déclaration très détaillée qui a duré plus de 30 minutes. Selon elle, la CIA pourrait avoir aussi violé un décret datant de 1981 qui interdit à l'agence de mener des opérations de surveillance sur le territoire américain. L'affaire a été transmise au département de la Justice, a-t-elle précisé.
La CIA nie les accusations
Ces accusations ont déclenché une querelle publique rare entre la CIA et le Congrès, le directeur de l'agence d'espionnage, John Brennan, niant avoir cherché à faire obstacle à l'enquête du Sénat. "Nous n'essayions pas de bloquer quoi que ce soit", a déclaré John Brennan lors d'un événement organisé par le Council on foreign relations. "La CIA n'espionnait pas, d'aucune façon, la commission du renseignement", a-t-il assuré sans toutefois donner plus de détails.
En réponse à ces allégations, la CIA accuse, de son côté, la commission d'avoir rapporté illégalement dans les bureaux du Sénat des documents confidentiels, et a aussi référé l'affaire à la justice. Une réaction que Dianne Feinstein a qualifié de “tentative d’intimidation”.
Obama renouvelle sa confiance en la CIA
Le président Barack Obama a dit, via le porte-parole de la Maison blanche, Jay Carney, qu'il avait une "grande confiance" en John Brennan et en les équipes de la CIA. “Nous prenons au sérieux tout ce qu’elle [Dianne Feinstein, NDLR] a pu dire. Mais nous ne comptons pas commenter sur une affaire qui est en cours d’investigation”, a-t-il ajouté.

Ce n’est pas la première fois que cette enquête sur la torture sous George Bush provoque des remous. En 2010, environ 920 pages de documents avaient disparu des dossiers de la commission du renseignement. Après avoir nié, la CIA avait finalement reconnu que certains de ses membres étaient responsables et promis de ne plus recommencer. Mais en janvier dernier, le directeur de la CIA, John Brennan, a informé la commission que la CIA avait "fouillé" les ordinateurs, provoquant la fureur des élus.
Réaction d’Edward Snowden
"La publication du rapport du Sénat sur la torture marquera la prochaine étape pour maîtriser la CIA, qui a torturé, détruit des preuves, espionné le Congrès, et menti aux Américains", a réagi mardi Christopher Anders, un responsable de la grande association de défense des libertés individuelles, l'American Civil Liberties Union (ACLU).
Les révélations ont aussi fait réagir Edward Snowden, l'homme à l'origine des fuites historiques concernant un autre pan de l'appareil de surveillance américain : la National Security Agency (NSA). Il a critiqué le discours "hypocrite" de Dianne Feinstein qui, selon lui, "se fiche que les droits de millions de citoyens ordinaires soient violés par nos espions, mais qui, tout à coup, crie au scandale quand un élu découvre que la même chose lui arrive", a-t-il déclaré à la chaîne américaine NBC News.
Le rapport sur la torture pourrait être partiellement déclassifié dès ce mois-ci, après l'aval de la Maison Blanche, a indiqué Dianne Feinstein.
Avec AFP et Reuters
Première publication : 11/03/2014
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